N°100. Hommage à Carlo Alberto Dalla Chiesa

En effet, pourquoi Salvatore Riina aurait-il fait tuer un préfet débarqué à Palerme depuis trois mois? Les thèses s'affrontent. Riina, en guerre contre d'autres familles mafieuses aurait agi pour montrer sa puissance à ses rivaux. Ou alors, les enquêtes et le travail auprès de la population de la part du préfet mettaient en danger l'organisation mafieuse. Ces mobiles sont importants mais ils ne suffisent pas à expliquer la prise d'une telle décision. En réalité, Riina avait déjà presque terminé l'extermination des familles mafieuses rivales. En outre, même si la lutte antimafia du préfet était très efficace, la mafia sicilienne était trop riche et trop puissante à l'époque. Enfin, à l'issu de ce meurtre, la loi sur le délit d'association mafieuse a été voté par le Parlement. De ce point de vue, la mafia n'a rien gagné avec ce meurtre.
Le mobile est éminament politique. Le Général Dalla Chiesa, combattant de la seconde guerre mondiale, avait vaincu le banditisme en 1950. Il connaissait bien la mafia. Il opérait déjà dans les années cinquante à Corleone. Il avait aussi gagné la guerre contre les brigades rouges. Dans le cadre de ses activités, il avait travaillé sur les dossiers les plus sensibles de l'histoire de la première République (1948-1992) :
- le crash suspect, en 1962, de l'avion d'Enrico Mattei (Président de la compagnie des hydrocarbures),
- le meurtre du journaliste Mauro de Mauro en 1970 et celui de Mimo Pecorelli en 1979,
- l'enlèvement et le meurtre du Président de la Démocratie Chrétienne Aldo Moro en 1978,
- l'implication de la loge clandestine P2 dans la vie politique italienne.

De là à penser que le chef de la mafia sicilienne a rendu un service aux politiciens corrompus en échange de l'impunité, il n'y a qu'un pas.